Les Cinq Disciplines

Source (d’après La cinquième discipline : l’art et la manière des organisations qui apprennent, Peter Senge)

La théorie de l’organisation apprenante

Peter Senge, professeur au Massachusetts Institute of Technology et théoricien pionnier en innovation managériale, il a fondé la Society for Organizational Learning qui regroupe une vingtaine d’organisations de pointe aux Etats-Unis.

Sa théorie de l’organisation apprenante s’inscrit dans une culture de la pensée globale et de l’apprentissage organisationnel initié notamment par Chris Agyris et Donald Schön dans les années 70.

Son ouvrage « La cinquième discipline : l’art et la manière des organisations qui apprennent » a été reconnu en 1997 par le Harvard Business Review comme un des cinq livres de management les plus influents de ces vingt dernières années.

Depuis, la mondialisation des échanges et des problèmes liés au développement n’a fait qu’accroître le besoin d’un mode de pensée mieux adapté à la complexité et à l’interdépendance dans laquelle nous vivons. Ce livre prétend poser les bases des disciplines à pratiquer pour découvrir l’esprit de l’organisation intelligente.

Les Cinq Disciplines

Toutes ces 5 disciplines doivent être utilisées à une recherche interminable pour augmenter la capacité de chacun à créer son futur. Les Organisations Apprenantes sont ces organisations qui peuvent dépasser l’apprentissage de survie, pour réaliser l’apprentissage génératif : une forme d’apprentissage qui augmente leur capacité à créer.

La maîtrise personnelle

Vivre sa vie comme un acte créatif plutôt que comme une réaction à des événements : approfondir et clarifier notre approche des choses, voir objectivement la réalité, définir sa vision personnelle, concentrer son énergie.

Approfondir la conscience de son rôle, de son fonctionnement, de son impact sur les autres, de sa façon de se mettre en mouvement – Développer son sens de la responsabilité, son potentiel, sa capacité d’entraînement, sa spontanéité – Savoir s’ouvrir sans se sentir menacé – Développer une empathie courageuse. Aligner sa vision personnelle, ses valeurs, et ses comportements, ses pensées, ses paroles et ses actes.

La discipline de l’alignement personnel consiste notamment à :

  • Clarifier sans cesse ce qui est vraiment important pour soi, sa vision personnelle et son intention ;
  • Examiner avec curiosité sa propre réalité, ses comportements et ses croyances ;
  • Se dédier à apprendre pour réduire l’écart entre son ambition et la réalité (= une pratique de développement personnel).

La remise en question des modèles mentaux

La discipline des schémas mentaux consiste pour une organisation, les individus et les équipes qui la composent à examiner et interroger sans cesse les cartes du monde à travers laquelle ils se repèrent et ils opèrent. Savoir décrypter l’idéologie dominante, le conformisme de la pensée – Déconstruire ce qui limite négativement pour le reconstruire selon un nouveau paradigme, une démarche tenable.

Il s’agit de :

  • Rendre explicite ses propres croyances et cartes mentales cachées ;
  • Reconnaitre celles des autres organisations, des autres acteurs de l’organisation ;
  • Interroger leur pertinence au regard de la réalité ;
  • S’ouvrir à la possibilité de les transformer (alignement personnel, …).

« Nous nous emprisonnons dans des routines défensives. Elles protègent nos modèles mentaux de la moindre critique et débouchent sur un talent d’incompétence. »

(Chris Argyris)

Les modèles mentaux sont des représentations, des schémas ou même des images profondément inscrits dans les esprits, et qui façonnent notre compréhension du monde et de nos actes, même si très souvent, nous ne sommes conscients ni des modèles mentaux, ni de leurs effets sur nos comportements.

Il n’est pas essentiel de savoir si ces modèles mentaux sont bons ou mauvais. Tous, par définition, sont des simplifications. Les vrais problèmes apparaissent lorsque ces modèles restent inconscients car ils nous privent alors de tout esprit critique à leur égard.

Pour les débusquer, le RAC pourra être amenée à créer une sorte de « banque de séquences génériques » afin de faciliter le travail des individus sur leurs modèles mentaux.

La vision partagée

Partager une vision commune de l’avenir que nous désirons créer pour apporter l’étincelle et le dynamisme qui pousse le collectif à s’élever au-dessus du lot quotidien.

En vérité, bâtir une vision est un travail quotidien pour l’organisation : construire, affiner, représenter cette vision, animer sans cesse celle-ci avec les acteurs concernés, mesurer avec eux les avancées et les écarts. Ce travail n’est pas destiné à régler un problème déterminé dans le temps mais s’inscrit dans un terme très long.

Pour y parvenir, il est évident que la vision ne doit ni venir « d’en haut », ni procéder d’une procédure de planification. Il faut pour cela que la vision reste évolutive, et tienne compte constamment de la vision de chacun.

Vision partagée et engagement

Les visions partagées sont d’abord personnelles. Ainsi, les organisations qui veulent créer une vision partagée ne cessent d’encourager leurs membres à adopter une vision personnelle car sinon, ils ne font qu’adopter la vision d’un autre. Il n’y a dans ce cas pas de réel engagement mais du suivisme, de l’obéissance.

La différence entre l’engagement et le suivisme est simple. Ceux qui s’engagent sur une vision veulent que celle-ci devienne réalité. Les autres acceptent qu’elle le devienne.
L’engagement provient d’une réaction naturelle d’enthousiasme pour une vision et d’une liberté laissée à tous de faire leurs propres choix.

Pour développer l’engagement des autres, il faut être engagé soi-même, sincère et surtout les aider à cheminer vers leur propre vision.

Enfin, il faut être conscient que la solidarité entre les gens est indispensable pour réaliser une vision partagée.

L’apprentissage en équipe

Apprendre en équipe signifie apprendre à … apprendre ensemble. Dans ce contexte, « apprendre » ne signifie pas amasser des connaissances mais développer nos capacités à atteindre nos objectifs.

Quand on parle d’équipe intelligente, on parle de talents individuels qui dans une relation spéciale démontrent une aptitude à travailler ensemble, de telle sorte que le talent de l’équipe est supérieur à la somme des talents individuels. La cohésion est la condition sine qua non pour que l’autonomie accordée à chacun ne se transforme pas au niveau collectif en un chaos.

L’apprentissage en équipe n’est rien d’autre que ce processus qui engendre l’unité d’action et qui développe la capacité d’un groupe à créer les résultats désirés par chaque membre. Il repose sur la discipline de vision partagée et passe par la maîtrise personnelle car le talent d’une équipe est aussi celui de talents individuels. Il donne ainsi l’occasion à chacun des membres de se développer comme jamais il n’aurait pu le faire individuellement.

Si une équipe réussit à apprendre collectivement, son expérience a toute chance de se diffuser rapidement dans toute l’organisation. Pour cela, il faut que l’équipe profite pleinement du potentiel d’intelligence de tous ses membres, que les énergies soient coordonnées et que les membres d’une équipe exercent une influence sur les autres équipes.

Apprentissage en équipe et « micromondes »

Comme toute discipline, l’apprentissage en groupe a besoin de pratique. Donald Schon, dans son livre « The Reflective Practitioner » la décrit comme une expérimentation située dans un monde virtuel – vu comme un lieu qui accepte toute liberté pour l’expérimentation -, une représentation du monde réel.

Malheureusement, nous apprenons peu à concevoir des terrains d’entraînement pour nous exercer, à savoir dialoguer ou utiliser des « micromondes », grâce aux jeux de rôle ou aux outils informatiques de simulation.

La pensée systémique

La pensée systémique est une discipline qui consiste à voir les phénomènes dans leur intégralité. Elle permet d’étudier les inter-relations plutôt que les éléments individuels, d’observer des processus de changement. Elle regroupe un ensemble de principes apparus tout au long du XXe siècle : cadre conceptuel, ensemble de connaissances et d’outils.

La discipline de la pensée systémique consiste à entraîner sa capacité à regarder le monde et les organisations comme des systèmes vivants, composés d’éléments en interaction. Dans tout système vivant on ne peut pas toucher une partie sans prendre en compte le tout. Toucher une partie, une relation, fait bouger le reste du système.

Or, depuis notre plus tendre enfance, on nous apprend à fractionner les problèmes, à diviser le monde en sous-ensembles afin de gérer plus facilement les tâches complexes. Au contraire, nous devenons incapables de voir les conséquences réelles de nos actions, de faire le lien entre le tout et ses sous-ensembles.

« Il faudrait dès les premières classes, enseigner à relier et non à séparer. »
(Edgar Morin)

Il s’agit de développer sa capacité à :

  • Faire des liens entre les domaines vus comme séparés ;
  • Avoir une approche globale : représenter les situations comme des dynamiques interactionnelles ;
  • Inventer des stratégies permettant de reconfigurer ces interactions et ainsi développer un système qui trouve par lui-même de nouveaux équilibres.

Pensée systémique vs. expérimentation

Nous n’apprenons jamais mieux que par nous-mêmes. Nous agissons, constatons les conséquences de nos actions, et rectifions notre manière de faire. Cette méthode ne convient, cependant, que si les retombées de nos actes sont proches et compréhensibles. Ce n’est pas le cas lorsque nous évoluons dans un système complexe. Nos décisions y ont des effets qui peuvent être très éloignés dans le temps et dans l’espace. Nous sommes alors confrontés au « dilemme de l’apprentissage par l’expérience ».

Laisser un commentaire